2003, “Map Monde”, au Musée d’Art Roger Quilliot à Clermont Ferrand (MARQ), Commissaire de l’exposition, Mme Evelyne Artaud.

En 2003, une exposition est organisée pour créer un lieu d’échange entre les œuvres des artistes algériens en France et en Algérie. L’enjeu de cette exposition est de renouer des liens à travers une histoire marquée par les connivences et des violences (colonisation, guerre, tortures, émigration, intégration, terrorisme). Elle est un hommage à tous ceux qui ont souhaité au prix de leur vie conserver leur volonté de pensée et de liberté qui s’accompagne souvent sur le terrain de la résistance à la barbarie et à la violence.

Dans cette exposition, Hellal Zoubir s’intéresse à la géographie qui n’est pas la même selon le point de vue où l’on se situe.

L’artiste en toute liberté sur sa cartographie imaginaire intervertit les noms des villes, des pays, déplace les continents, les océans et redessine les frontières. En maître du monde, l ‘artiste – politico-géographe – l’envisage à sa façon comme ceux qui ont participé à la signature de différents traités qui ont découpé le monde selon les intérêts des puissances sans tenir compte des cultures locales : Traité de Tordesillas en 1494, Traité de Berlin en 1885.

L’artiste interroge : au nom de quelle vérité ou erreur ou de quelle dérision ou liberté la cartographie du monde a-t-elle été mise en place ? L’artiste s’arroge lui aussi ce pouvoir et se permet aussi de réviser, revisiter et révolutionner le monde pour se jouer du monde. Cette nouvelle géographie nous démontre combien les pouvoirs se partagent le monde sans nous et l’importance du lieu de naissance. Il nous interpelle aussi sur ces thèmes de prédilection : mondialisation, nouvelles frontières, inflation de l’espace, de l’information et de l’actualité.

Sur le ton de l’ironie et de la dérision, il souligne l’incohérence des relations humaines et sur la relativité du monde qu’ils ont construit. Pour lui, « l’homme est un prédateur, si l’opprimé était à la place de l’oppresseur, il agirait comme lui ou ferait pire ».

Ces cartes de géographie, importantes par les informations symboliques et par leurs connotations sont transformées en les plaçant dans un processus perturbé, dévié sur le plan du tableau leur apportant une nouvelle dimension, la sienne celle de la remise en cause. Un travail qui fait écho à celui de Jean-Pierre Reynaud avec les drapeaux en développant un concept par rapport à un objet quotidien. Sur un fond humoristique, il brouille le paysage géopolitique en dévoyant des positions solidement ancrées et révèlent ainsi une somme d’ambiguïtés et de relativisation basée sur la proposition de contraires. Une montagne de questionnement submerge alors l’observateur de ces œuvres. Cette remise en cause des normes et des codes entraîne des dérapages, des incertitudes et crée un malaise. Cette démarche artistique visant volontairement le trouble est le trouble de Guy Scarpetta et introduit : « dans le champ même de l’art (et de sa perception), un coefficient d’impureté ou de déstabilisation, ce qui triche avec les codes, ce qui perturbe les orthodoxies, ce qui fissure les conformismes ».

Texte de Mme Nadira Laggoune, 2003